La soumission des statuts de l’Etablissement Public Expérimental (EPE) au conseil d’administration de l’université ce 22 avril 2021 marque la fin d’un processus dont, malgré de nombreuses alertes et demandes de moratoire exprimées par le Sgen-CFDT à différents niveaux, malgré un contexte défavorable de fusion non contrôlée des universités lilloises, de crise sanitaire et de mise en œuvre de la nouvelle offre de formation, le calendrier n’a pas été modifié. Appelés à se prononcer dans le cadre des instances consultées préalablement à la convocation de ce conseil d’administration, les représentants du Sgen-CFDT au comité technique et au CHSCT ont formulé, en déclaration préliminaire, les éléments suivants :
La création des établissements expérimentaux prévue par l'ordonnance de décembre 2018 a rencontré une opposition forte et intersyndicale dès la présentation du projet au CNESER le 16 octobre 2018. Les syndicats y avaient adopté une motion demandant le retrait pur et simple du texte. Le Sgen-CFDT pointait alors qu’en prétendant rapprocher écoles et universités, on aboutirait à une réelle baisse de la démocratie interne et à la perte d’identité de l’université : Ce projet ne cherch[ait] pas à mettre en cohérence enseignement supérieur universitaire et grandes écoles, mais plutôt [à] permettre à celles-ci de rejoindre, pour la forme, des ensembles universitaires, sans pour autant les soumettre aux contraintes de service public des universités, et tout en leur permettant de garder pour elles-mêmes leur prestige et leurs spécificités
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Ainsi, par les statuts qui sont proposés, les personnels de l’université de Lille ne disposent plus de la majorité absolue au conseil d’administration et la présidence pourra être exercée par une personnalité extérieure à la communauté universitaire. De plus, cette intégration des écoles reste toute virtuelle : un "établissement-composante" reste en réalité un établissement à part entière, avec son budget (l'inégalité des moyens par étudiant reste donc entière !), son personnel et ses instances. Il n'a de « composante » que le nom : la présence d’écoles dans l’EPE accroît, de manière asymétrique, leur capacité à peser sur les décisions et à bénéficier des financements de l’I-site.
Le calendrier de la démarche de construction de ce nouvel établissement a été dicté par une volonté politique et ministérielle à laquelle la présidence de l’Université de Lille n’a opposé aucune résistance. Mais le Sgen-CFDT rappelle que ce calendrier ne s’imposait pas strictement dans la candidature IDEX des trois universités lilloises alors engagées dans leur fusion : la création d’un établissement expérimental avec les partenaires y était alors annoncée à l’horizon de 2028.
Le projet de construction du nouvel établissement s’est poursuivi à marche forcée, malgré de nombreux signes de désorganisation, malgré les alertes réitérées au sein des collectifs et composantes : leurs personnels perdent énergie et santé à suivre les injonctions des services centraux, ils expriment leur détresse en peine de trouver des interlocuteurs à même de les accompagner dans l’usage de nouvelles applications conçues sans leur participation ni le bénéfice de leurs retours d’expérience. Les statuts modifiés peuvent bien avoir des points négatifs ou positifs, ils ne demeurent jamais, selon le Sgen-CFDT, que des principes exigés en toute nécessité, naturellement frappés de bon sens ou parsemés d’évitables évidences (Qui par exemple s’interdirait de "favoriser le bien-être" ?).
Car le travail et la réalisation des missions de tous les personnels ne sont pas solubles dans des statuts qui ne résolvent ni les problèmes liés à leurs conditions de travail ni les problèmes liés à la multiplication de leurs missions. Aux yeux du Sgen-CFDT, comme aux yeux de l’ensemble de la communauté universitaire de Lille, seuls doivent compter les moyens concrets et les ressources réelles pour réaliser les activités d’accueil, d’enseignement, de gestion pédagogique, de recherche ainsi que toutes les fonctions supports. Aux yeux de tous, seules doivent prévaloir la recherche de réponses aux problèmes posés et l’offre d’un soutien de la part de la hiérarchie et des fonctionnels dont les injonctions descendantes génèrent un profond sentiment d’abandon. L’expérience amère de la mise en place de la fusion, et la pénible mise en œuvre de la nouvelle offre de formation ont révélé avec tragique éclat les limites d’un pilotage « par le haut » : c’est pourquoi, après avoir déployé une vaste opération de restructuration interne avec les effets navrants que l’on sait, voilà qu’est entreprise désormais l’expérimentation de la subsidiarité avec les effets dramatiques que l’on pressent.
Dans les deux cas, il s’est agi de se conformer au schéma d’un établissement à 10 composantes, composantes dont l’autonomie de gestion est recherchée dans la perspective d’une réorganisation accomplie à l’échéance de la création de l’EPE. Car les restructurations engagées et en cours (subsidiarité) échappent à toute réflexion de fond sur le contenu des missions, à tout égard pour le travail réel des collègues et à toute considération pour le sens à donner au service aux étudiants et à la société.
Des questions essentielles du niveau d’élaboration des orientations politiques définissant nos missions sont aujourd’hui posées : pour le Sgen-CFDT, qui avait alerté dès 2016 sur la disparition d’un service commun d’orientation et d’insertion professionnelle lors de la fusion, le choix d’intégrer au niveau des composantes les activités assurées au SUAIO et au BAIP traduit le renoncement à une exigence d’équité envers les usagers, le renoncement à la nécessité d’élaborer une politique en la matière au niveau de l’établissement. Ce choix traduit donc l’acceptation de pratiques inégales, variables selon la taille et les moyens des composantes, et l’acceptation des différences importantes – selon l’intérêt des établissements-composantes pour ces questions.
D’autres interrogations se posent sur la politique d’établissement. Dans les statuts, la culture semble réservée aux étudiants, alors que jusqu’à présent, la direction de la culture mettait en place des actions ou événements à destinations de tous, étudiants et personnels. Faut-il en déduire que là aussi la culture va petit à petit être du ressort des composantes ? Ce serait rater une opportunité de fédérer l’ensemble des personnes partageant les campus, au travers d’actions culturelles.
Enfin, faute de concertation préalable avec les écoles, la définition d’une politique commune d’action sociale est réduite à l’état de possibilité.
Au regard des trois années écoulées depuis la fusion, le constat des dommages fonde le Sgen-CFDT à craindre, par suite de la mise en place de l’EPE, une aggravation irrémédiable de la situation actuelle, engendrée par une fusion mal maîtrisée, génératrice d’organisations pathogènes dans de nombreux services et composantes.
C’est pourquoi les élus du Sgen-CFDT au Comité technique voteront contre les statuts de l'EPE et, avec la section Sgen-CFDT U Lille, réitèrent leur alerte, leur exigence d’une analyse concertée des effets des restructurations à marche forcée sur les collectifs. C’est dans cet esprit qu’ils instruiront, avec leurs élus, l’examen de ce projet au CNESER.
Résultat du vote des statuts au CT : unanimement contre.