Depuis quelques temps, nous assistons à une dérive de notre université, prête à tout dans sa quête de financement et de cette fameuse "excellence scientifique".
- L'université de Lille a commencé par appliquer l'augmentation des frais d'inscription pour les étudiants étrangers hors Union Européenne, alors qu'elle n'en était nullement obligée. Seules 7 universités en France l'ont fait, et au Sgen-CFDT nous avions dénoncé fortement ces augmentations en intervenant auprès du conseil constitutionnel. Celui-ci a confirmé que les augmentations massives des droits d'inscription sont contraires à la constitution. Il est aujourd'hui évident que l'université doit faire marche arrière et nous demandons que ces étudiants soient remboursés afin d'être en accord avec l'avis du conseil constitutionnel.
- Nous avons reçu le 4 octobre un appel à projet de l'I-SITE pour des jeunes chercheurs, où il était explicitement indiqué que le candidat devait appartenir au "top 200" des universités au classement de Shanghai (ce qui en excluait, d'ailleurs, les étudiants lillois). Cet appel à projet a déclenché un tollé sur les réseaux sociaux, et a été retiré, mais il est révélateur de l'état d'esprit de notre établissement.
- La dernière réunion du groupe de travail "référentiel des activités des enseignants et enseignants-chercheurs" a porté sur l'intéressement. Ce dispositif d’intéressement va - je cite - "permettre de mobiliser collectivement les personnes autour d’un projet d’établissement reposant sur deux piliers : (1) amélioration de la qualité de l’offre de service rendue aux publics et partenaires ; (2) augmentation des recettes liées à l’activité de formation professionnelle." L'intéressement prévoit de redistribuer aux responsables de formations professionnelles 2% des recettes. On voit donc tout de suite que l'augmentation des recettes est la vraie priorité, la qualité de l'offre n'entrant pas en ligne de compte dans le calcul de cet intéressement. Avec ce dispositif, l'université veut donc encourager les formations professionnelles qui rapportent : elle entérine une vision de la formation continue comme pourvoyeuse de ressources au détriment de ses objectifs, pour nous prioritaires, de qualification et de soutien aux projets d'évolution professionnelle des adultes qui (re)viennent à l'université. Comme le temps n'est pas élastique, et que le nombre d'enseignants et enseignants chercheurs diminue (la campagne d'emploi 2020 publie seulement la moitié des postes vacants, après une campagne 2019 quasi blanche), cela va forcément se faire au détriment des autres formations, celles qui "coûtent de l'argent". Les responsables de Licence apprécieront, ceux-là même qui doivent gérer les multiples vacataires et contractuels d'enseignements payés une misère et au lance pierre, organiser la constitution des groupes d'étudiants, le tout dans des conditions de travail qui se dégradent (salles surpeuplées par exemple) ...
- La définition des maquettes dans un contexte budgétaire tendu amènent certains responsables de formation à créer des Diplômes d'Université qui permettent de faire des heures en dehors de tout cadrage et autorisent des frais d'inscription libres. Ainsi, dans une même licence ou un même master, il y aura les étudiants "de base" que l'université accepte sans gaieté de cœur, et les étudiants "premium" qui ont payé plus cher leur inscription pour avoir droit à des enseignements complémentaires dans des filières sélectives.
Le Sgen-CFDT de l'université de Lille tient à rappeler qu'un établissement de service public ne peut pas être rentable. La mission d'une université est double : une recherche au service de la société avec un rayonnement international qui ne se résume pas à un club fermé d'happy few, un enseignement de qualité pour tous, et pas seulement pour quelques privilégiés qui auront les moyens de se le payer.